Historique

 

 

Importé des Etats-Unis et rendu presque populaire par le film de Marc Levin (Caméra d'Or au Festival de Cannes), le slam est un art collectif, oratoire et acoustique, où la parole mise à nu fait face à l'auditoire. Seul compte le texte, qu'il soit lu, scandé, crié, improvisé, récité. Tribune de libre expression, chaque scène slam donne la parole à tous et à toutes sans discrimination et réunit poètes, nouvellistes, rappeurs, improvisateurs et chanteurs tous animés d'une même passion pour l'écriture. Concrètement, un évènement slam se déroule dans un lieu où la parole peut circuler librement. Il n'y a pas de musique, la voix est l'unique repère rythmique. Les auteurs et le public sont invités à tour de rôle à monter sur une scène pour dire leurs textes. Un animateur rythme la soirée et distribue la parole.

Genèse

Mouvement lié à l'oralité, défendu par certains comme une discipline à part entière, le slam est un terrain d'expression poétique qui trouve ses origines ailleurs qu'aux Etats-Unis. Aujourd'hui, cette forme oratoire s'est développée dans la plupart des pays européens et très certainement ailleurs dans le monde. Son histoire pourrait remonter jusqu'à celles des grecs et de l'agora, passer par celle des griots d'Afrique de l'Ouest, des joutes orales du sud de la France, des duels d'improvisation du Brésil et de Cuba jusqu'au réunions poétiques des poètes du Saint-Germain des Prés.

Historique à Paris : 1995 - 2000

Evoluant en marge des cercles de poésie traditionnels, la formule du slam semble naître en 1995 dans un ancien bar à entraîneuses de Pigalle, le Club Club. Ce qui ne s'appelait pas encore " slam " réunissait tous les mardi un noyau restreint de poètes, performers et rappeurs, dont déjà Nada, Joël Baratzer, le mythique MC Clean et Pilote le Hot. Il s'agissait d'une scène poétique ouverte, où les genres et les inspirations cohabitaient et où les fonds musicaux étaient autorisés.
La fermeture du Club Club en 1998 coïncide quasiment avec la sortie du film " Slam " de Marc Levin. L'histoire est celle de Ray Joshua, un jeune noir qui vit dans un ghetto de Washington, interprété par le poète-rappeur Saul Williams. Condamné pour possession de marijuana, il rencontre en prison une slameuse qui anime un atelier et qui l'encourage à développer ses dons pour l'écriture et l'oralité. Avec Saul Williams, la poésie retrouve son essence orale originelle et le slam se définit comme une forme de poésie déclamée proche d'un rap à capella.
La sortie du film en France fait connaître l'existence d'un mouvement slam aux Etats-Unis, initié par Marc Smith au "Green Mill" de Chicago. Le succès de " Slam " permet également au noyau du Club Club de mettre un nom sur ses propres pratiques orales, tandis que Pilote le Hot s'engouffre dans la brèche en fondant " Slam Productions ". A partir de 1998, il présente les premières " scènes slam " dans l'Est parisien, où défilent la plupart des activistes actuels de la scène parisienne. Tout en prétendant " démocratiser la poésie ", il dépose, en son nom, le mot " slam " à l'INPI (Institut National de la Propriété intellectuelle).


Historique à Paris : 2000 - 2003


"Le slam prolifère comme un virus / Nous n'en sommes qu'au stade du fœtus."

Sur Paris et jusqu'en 2000, la visibilité du mouvement slam était réduite à celle de Slam Productions, qui imposait un monopole institutionnel et médiatique, tout en occultant les énergies parallèles. Depuis, plusieurs individualités et associations parisiennes ou de banlieue ont préservé leur indépendance et se sont investies dans cet art oratoire en proposant des scènes, des projets, des initiatives différentes de l'association parisienne de Pilote le Hot. La partie immergée de l'iceberg, qui malgré ses efforts n'a jamais réussi à se fédérer, présente aujourd'hui de multiples facettes :

L'association Uback Concept (Saint-Denis) est la première association à avoir présenté des slam sessions sur la région parisienne. Fondateurs de la scène slam du Café Culturel de Saint-Denis, Lynx-K et ses acolytes sont également à l'initiative des premiers tournois slam, avec des compétitions lancés autour de thèmes.

Nada, le griot trash de la punkitude, s'est également démarqué en prenant l'initiative de présenter ses propres scènes. Il privilégie aujourd'hui une approche plus spectaculaire du slam avec ses One Man Slam et les performances de son collectif SM58 (Nada, D' de Kabal et Felix Jousserand).

Fait marquant en mars 2003, dans le cadre de la journée de la femme s'est constitué le premier collectif féminin de slam - poésie urbaine (Chantal Carbon, Crawlad's, Fleur, Leo, Leo Lam, CATherine MATHon, NinaNonyme, Pom, Spiaxx, Yamlayam) qui propose un spectacle inédit, intitulé Slam au Féminin. Sans céder aux revendications féministes, les slameuses s'inscrivent dans une démarche qui va de la féminité à l'humanité.

D'autres scènes slam sont également nées entre 2000 et 2003 : Shakia Mouni, l'homme qui tague "Amour" dans toutes les rues de Paris, présente des scènes nomades dans la capitale (actuellement au Tribar), Saër (le marabout officiel de 129h) au Café le Valmy.

A signaler également le travail (souvent par le biais d'ateliers d'écriture) de : Gerard Mendy et l'association Squal' à Mantes-la-Jolie (voyageur des quartiers, volontairement à l'écart des houles médiatiques, et pour beaucoup précurseur du slam en région parisienne), Nebil et l'association Ma Quête à Maisons-Alfort, Georges-Cyprien et l'association Culture Urbaine à Sarcelles, Mimnerme le Mot-Dit et l'association Transform'Art, Catherine Mathon et l'association Oralités.

Deux fanzines fondés par des slameurs circulent également sur les scènes slam parisiennes : Slamzine (Normal) et Politbüro (Chantal Carbon).

Juliette et Sunday People sont à l'origine des Tournois Slam hebdomadaires du Café de la Plage, puis de Lap'art (où on peut gagner de la thune et du champagne).

Spoke (Felix Jousserand et Didier Feldmann) est une microsociété d'édition qui publie des oeuvres de slameurs.


Ce rapide tour d'horizon reste parisien, plusieurs associations et collectifs français initient également des actions indépendantes (slam sessions, performances) :
- Demokodos à Lille,
- Inkorekt à Montpellier,
- Le slameur Otman et d'autres à Toulouse,
- Des collectifs existent également à Marseille et à Lyon.

Ce foisonnement reflète ainsi la joyeuse impossibilité pour ce mouvement croissant d'être représenté par une seule personne ou un seul collectif, tout en appelant à la constitution de nouveaux regroupements.